Gopkalo O. «Russie: identifier les besoins en nouveaux terminaux charbonnier» [JMM 4883-4884 vendredi 12 juillet 2013]

Nous reprenons, ci-dessous, une analyse menee par Olga Gopkalo, analyste aupres du cabinet de consultants MorstroytechnologyLimited. L'augmentation des exportations russes de charbon est affectee parle dificitchronique en terminauxsurles differentes cotes du pays. Dans le тёте temps, les investissements dans les infrastructures portuaires continuent, mais a un rythmefaible. En fin, le ferroviaire aura un role pre-ponderant a jouer dans la perequation entre terminaux et exportations de charbon.

Selon les statistiques publiees par le ministere russe de I'Energie, en 2012, les exportations de charbon ont augmente d'envi- ron 20 % a 125,2 Mt. Cette croissance s'inscrit dans une tendance lourde. De 2001 a 2012, les exportations de charbon ont triple. La baissedu prix du charbon sur les marches internationaux a joue un role. Compare au gaz, le charbon est devenu moins cher pour les Europeens et, par consequent, les importations de charbon ont cru en Europe malgre la crise economique. L'Union europeenne regoit quasiment les deux tiers des exportations russes de charbon. Parmi les importateurs de charbon russe preferant le transport maritime apparaissent la Chine, la Gran-de-Bretagne, le Japon, la Coree et la Turquie. Au cours des sept dernieres annees, la part du transport maritime dans les exportations de charbon est passee de 87 % a 93 %. Environ un quart (26 %) des exporta-tions maritimes se fait par les ports de la Baltique et I'Ukrai- ne. Les exportations russes de charbon profitent aussi aux ports russes qui voient leur part de marche passer de 57 % en 2006 a 75% en 2012. La croissance dans la manutention de charbon dans les ports russes de I'Est se remarque dans les ports du bassin Pacifique. Pour ces ports, le charbon intervient au meme niveau que le petrole ou le gaz. Au cours de la derniere decennie (de 2002 a 2012) le tra- flc de charbon a ete multiplie par 2,7. Sa part dans le trafic total de ces ports est passee de 25 % a 33 %. II ne s'agit pas d'une coincidence. Le Japon, la Coree, la Chine et I'lnde, les principaux consommateurs de charbon, sont a I'Est, et les principales sources de croissance de ce trafic sont dans la region Asie-Pacifique. En Asie, la croissance annuelle du charbon entre 2003 et 2008 s'est eleveea8%paran. Les ports orientaux de la Russie affichent les plus fortes hausses du trafic charbonnier ces dernieresannees. En 2012, le trafic de charbon dans les ports russes de I'Extreme-Orienta enregistre une croissance de 16% a 6,3 Mt. L'Europe joue aussi un role preponderant pour les exportations russes de charbon et les investissements dans les infrastructures restent d'une grande intensite. Outre les ports de la Baltique, des ports comme Mourmansk, Arkhangelsk et Kandalaksha sont des points de sortie pour les exportations. Sur I'ouest de la baie de Kola, un terminal charbonnier est en cours de construction a Lavna, pour une capacite de 18 Mt. La societe est prete a demarrer les travaux et a construire une voie de chemin de fer privee. Tous les permis ont ete delivres et les travaux devraient demarrer dans le courant de 2013. En marge de ce developpement, des projets d'extension du port de Mourmansk sont en cours pour voir la capacite des terminaux augmenterde 6 Mt. En 2012, la plus forte croissance dans les exportations russes de charbon est a mettre a I'actif des ports du bassin de la Baltique avec une hausse de 20 % contre 11 % au niveau national.

Ou sont les besoins ?

Selon les experts, le manque d'infrastructures reste la seule barriere a la croissance pour le trafic depuis les ports de la Baltique. Comment identifier le deficit en termes d'infrastruc-tures ? Sergei Semenov, directeur du developpement du cabinet Morstroytechnology, declare : «L'approche classiquese reporte surl'equilibre entre la demande (le trafic) et I'offre (les terminaux). Cette approche est appliquee avec plus ou moins de reussite dans d'autres marches comme les produits petroliers ou les mineraux.»II ajoute que pourle marche du charbon, une telle analyse ne peut fonctionner. La moitie du charbon est recharge dans des terminaux multi-purpose. La realite de la capacite des terminaux depend surtout de la regularite des lignes ferro- viaires, de la frequentation par les navires et de nombreux autres facteurs. e< Pourdeterminer si le besoin d'un terminal se faitsentir, ilfautprocederd une analyse multifactorielle integrant les avancees technologiques et une connaissance du marche», condue le directeurdu developpement. Le cabinet de consulting Morstroytechnology a prouve que la repartition entre les differents terminaux baltes est des- equilibree et qu'il n'existe aucune reserve de capacite. Les installations de chargement de charbon dans les ports baltes peuvent etre classees en trois categories. La premiere repre- sente lesterminauxspecialises avec des equipements specialises. II en existe trois en Baltique avec une capacite de 25,5 Mt. Ces terminaux manutentionnent 44 % du charbon en sortie des ports baltes. Deux d'entre eux sont a la limite de la saturation : Rosterminalugol a Ust Luga, operant a 98 % de sa capacite, et le Baltic Coal Terminal de Ventspils qui travaille a 80 % de ses possibilites. Le Estonian Coal terminal de Tallin demeure une exception avec aucune operation en 2012. Dans les autres bassins russes, les terminaux specialises enre- gistrent des chiffres identiques.

La seconde categorie comprend les terminaux specialises dans les vracs solides. Us utilisent des equipements pourtous les types de vracs mais traitent prin- cipalement des trafics de charbon. Cette categorie regroupe sept terminaux qui represented 36 % des exportations russes de charbon. Dans le bassin de la Baltique, ces terminaux entrent pour 55 % des exportations. En moyenne, ces terminaux sont a 70 % de leur capacite avec un pic pour le Riga CentralTerminal qui est a 90 % de ses capacites. La derniere categorie de terminaux reprend les terminaux multi-purpose, lis utilisent des equipements qui n'ont aucune specificite et entrent pour 1 % des exportations charbonnieres russes par les ports baltes. Au final, il n'existe aucune reserve de capacite dans les terminaux specialises de premiere categorie, et celles disponibles pour les terminauxde la seconde categorie devraient etre orientes vers le developpement de nouveaux trafics.

L’infrastructure continue de se developper

En 2012, le Baltic Coal Terminal a traite 4,8 Mt. Zarechnaya Coal company, le chargeur, investis- seur et proprietaire du term inal, a prevud'investiretde porter la capacite dece terminal a 10,5 Mt en 2014, soit plus que son dou- blement. C'est une tendance recurrente du developpement des terminaux, qu'ils soient en Baltique ou dans d'autres bassins, d'ameliorer les capacites nautiques et toucher des mar-ches europeens comme la Grande-Bretagne et le nord de I'Espagne. Ainsi, les principaux terminaux exportant du charbon russe draguent leur chenal d'ac- ces pour recevoir des navires de typePanamax. Dansle portd'Ust Luga, le chenal a ete approfondi a 16 m. Une amelioration qui a permis au terminal d'augmenter sa capacite de traitement. En 2012, le terminal a pu charger 104 000 t sur un navire. Le Multipurpose Reloading complex, dans le port d'Ust Luga, qui traite du charbon de la Siberian Coal Energy Company (SUEK), a prevu un programme d'extension pour porter la capacite du terminal a 5,5 Mt. A I'heure actuelle, aucun investisseur ne s'est fait connaTtre mis a part la SUEK. Dans le port de Vystok, le chenal a ete approfondi a 12,7 m et elargi, ce qui lui permet de recevoir des navires de 80 000 t meme si une partie de la mar- chandise doit etre chargee sur rade. Certains developpements de ports sont limites par les capacites des voies ferroviaires. Poureviterce handicap, une nouvelle voie entre Losevo et Kamen- nogorsk est annoncee. Elle devrait entrer en service en 2013. Avec ces developpements, les terminaux de la mer Baltique devraient augmenter de 11 Mt apres20i5.

La capacite du transport ferroviaire et ses couts sont deux facteurs cruciaux pour determiner la competitivite d'un terminal. Selon les donnees fournies par la societe ferroviaire russe, des projets de construction sur le trongon entre Losevo et Kamen- nogorsk, la reconstruction de la ligne Mga-Gatchina-Veymar et Ivangorod, I'acces aux ports du golfe de Finlande sont des elements majeurs pour ameliorer la desserte des ports de la Baltique. lis sont suffisamment attractifs pour les investisseurs pour faire partie des priorites de develop-pement des societes concernees par les terminaux. La politique tarifaire ferroviaire russe est en pleine restructuration. Plusieurs processus sont en train de se mettre en place. En janvier, une unification du tarifa ete decidee pour I'espace commun russe. L'objectif est d'avoir un seul tarif pour les £tats tiers. Mais ce processus est long. Lestarifs doivent d'abord etre differences selon le type de marchandise avant d'etre unifies.

Recemment, dans le cadre de la reforme de I'industrie et de la reduction budgetaire apportee aux transports ferroviaires, I'au- torite de regulation des tarifs a publie une nouvelle reglementation par corridors, la «On Price Corridor», dans laquelle la relation entre lestarifs et les utilisateurs du transport sont desormais libres. Les chemins de fer russes peuvent alors adapter les tarifs selon les limitations impo- sees par ('infrastructure pour un meilleur controle des flux. «Tous les reformateurs de ces tarifs, у compris les ideologues des chemins defer russes, veulent faire de leurmieuxmais le coutactuel du developpement sera героПё sur les chargeurs soit sous forme de hausse de tarif soit sous la forme d'un investissementdans de I'infrastructure. D'un autre cote, cela pose les bases legates d'un investissement du secteur prive dans les projets ferroviaires», analyse le directeur du developpement du cabinet de consultants.

Meme si le processus actuel de reforme des tarifs ferroviaires n'aura que des effets limites sur le cout direct du transport de charbon, il entraTnera une volatile du marche du transport et un redeploiement des flux de fret dans tout le reseau ferroviaire. Et enfin, le niveau de chargement sur chaque section du reseau pourrait a terme etre modifie.